3-ZENETES

Parmi les Zénètes on remarque :

1) Les Maghraoua dont une petite tribu établie au Nord du Seuil près des Meknassa, des Béni a gardé le nom ainsi d'ailleurs qu'une fraction Bouguittoun des Ghiata au Sud de ce même Seuil. En outre, une sous-fraction des Maghraoua était les Béni Lent, dont le nom correspond à celui d'un groupe des Tsoul.

2) Les Béni Mérin dont nous aurons l'occasion de retrouver la trace très intimement liée à l'histoire de Taza et dont un groupement Tsoul a gardé le nom.

De toute manière quelle que soit l'incertitude où puissent laisser certains de ces approchements, il y a un ensemble indiscutablement de la confusion extraordinaire de l'ethnologie locale. On peut dire que tous les éléments essentiels berbère ont contribué à sa formation.

L'énumération que nous venons de faire peut paraître un peu formelle mais elle nous sera d'un grand secours dans la suite pour suivre mouvements populaires et pour étudier l'évolution des groupements tribaux du Seuil.

Conquête Arabe et révolte des Berbères

  La période musulmane s'ouvre, pour nous, en 682 A cette époque Okba Ben Nafi opéra l'expédition qui donna aux Califes la maîtrise du Maroc. Mais Okba semble avoir pénétré au Maroc en suivant la côte, sans se risquer dans le Seuil de Taza. Après cette expédition triomphale Okba fut trahi et massacré par Koceila Ben Lemezn chef des Auréba, tribu puissante qui était alors prépondérante parmi les Branès. Ces derniers devaient peupler à cette époque l'Oranie ou peut être le Zab. La domination de Koceila s’étendit sur l’ensemble de la Berbérie et il alla s'établir à Kairouan.

Il est curieux de constater la rapidité avec laquelle à cette époque lointaine un chef recevait l'obédience de territoires immenses. Ceci laisse supposer que sa souveraineté consistait en un simple terrorisme nomade.

En 688 lorsque Zoheir, Gouverneur d'Égypte lança son expédition, Koceila rassembla ses Branés, mais il fut tué et ses berbères furent écrasés. Zoheir les pourchassa jusqu'à la Moulouya. La tribu souveraine des Aouréba décimée et ayant perdu toute puissance disparut d'Algérie. Elle s'enfuit au Maroc avec le groupe des Branès qu'elle dirigeait.

Les vaincus se réfugièrent dans des régions montagneuses, que les auteurs ne précisent pas, mais on sait qu'un groupe d' Aouréba allant plus loin que les autres atteignit le Zerhoun.

Il est donc fort probable que la fixation des Branés en général, et des Ouerba en particulier sur les contreforts du Rif, au Nord de Taza, date de cette époque. Les montagnes qui étranglent le Seuil, servant de refuge tout indiqué aux fuyards qui s'engageaient dans le col.

Nous voyons donc la première page de l'histoire musulmane du Maroc, marquée par un événement ayant une grande portée sur l'ethnographie du Seuil de Taza.  Mais bientôt l'événement allait se reproduire.

En effet, SI MOUSSA BEN NOCEIR parait avoir à son tour pénétré le Maroc par la côte méditerranéenne; certaines tribus semblent avoir fui ou suivi le conquérant et en particulier les Matghara des massifs de Tlemcen et de la basse Moulouya. Ces derniers furent endoctrinés par les Cofrites et leur chef MEISERA BEL HAFIR, à la suite de maladresses des gouverneurs arabes, déclencha le grand mouvement Kharejite de 740.

Il  fut proclamé calife par les berbères. MEISERA aurait été renversé par BEN HOMEID ZENATI à la suite d'une bataille indécise contre les orthodoxes de Khaled Ben Halib et le mouvement aurait gagné tout le Maghreb.

Il  semble que les Matghara après avoir été à la tête du mouvement vinrent s'adjoindre à eux un puissant groupe żénète qui prit le pas sur eux et étendit la rébellion jusqu'au Moghreb central. KALTOUM BEN AYAD fut renvoyé contre les Kharégites par le calife HICHAN. I 1 fut à son tour défait et tué sur le Sebou en débouchant du Seuil. Après la déroute de cette expédition les califes ne devaient plus recouvrir l'autorité sur le Maroc.

Les Matghara qui restèrent l'âme du mouvement Cofrite au Maroc sous la direction du successeur de Meicéra, Yahia Ben Harith, semblent être venus s'installer dans le Seuil, après la victoire remportée sur le Sebou en compagnie des Zénètes. Ils se trouvèrent d'ailleurs refoulés dans cette direction par les Berghouates devenus très puissants et vers l'Est ils trouvèrent les Meknassa établis sur la Moulouya.

Le mouvement Kharéjite mettait à ce moment-là aux prises les arabes et des tribus beaucoup plus orientales (Nefzaouia et Haouara du Sud Tunisien et de la Tripolitaine).

En 766 vers Tlemcen, El Aghleb gouverneur de Tobna met en déroute les tribus Cofrites de Abou Corra, ces tribus semblent être un ensemble de Maghila et de Zénètes Béni Ifren. Abou Carra s'enfuit, avec ses tribus, à l'intérieur du Maroc. Le danger passé Abou Corra revint à Tlemcen. mais il semble que de là, date la formation de deux groupes kaghila distincts, le groupe originel du Chélif et un groupement de réfugiés qui devait contribué a la formation des Béni Ouarain et qui e laissé le nom d'Imghilem à l'une des tribus de cette confédération.

Cette hypothèse est d'autant plus vraisemblable qu'Ibn Khaldoun indique nettement l'existence en son temps d'une tribu Maghila entre Sefrou et les Meknassa qui occupaient alors le coeur du Seuil de Taza.

Un autre événement qui intéresse la région de Taza indirectement c'est la fuite d' ABDERRAHMAN IBN ROUSTEM qui en 761 Ibn Achatch quitte Kairouan devant Ibn Achatch et emmène des Nefzaouia, des  louata, des Haouara et des Zouagha, qui l'aideront à fonder son empire de Tiaret avec l'aide des Matmata et des Lemaia.

Ces noms de tribus sont vraiment trop bien réunis pour qu'on puisse faire une hypothèse à leur sujet.

En effet, nous trouvons de nos jours des Haouara occupant le débouché Est du Seuil, des vestiges des Matmata englobés dans les Béni Ouarain de l'Ouest au débouché Ouest des Gzennaïa, et Marnissa installés au Nord-Est et au nord des Branès sur les pentes du Rif.

Or Gzennaïa et Marnissa font partie de la liste des tribus Nefzaouia, telle que nous l'indique Ibn Khaldoun.

  Enfin, au delà du Seuil, des Zouagha existent vers Sefrou et des Sedrata (nom porté par une branche des Louata) font partie des Hayaïna. Cette coincidence permet de supposer, avec quelque vraie semblance, que la chute de Tiaret, en 900 devant les Fatimides, la persécution féroce des ibadites qui suivit et l'expédition de 912 de Messala Ben Hanbous vers le Maroc, Nekour et Fès, ne sont pas étrangères à un mouvement général des restes des lbadite vers ce refuge classique du Seuil de Taza.

Un dernier épisode du Kharedjisme, la fondation des Sijilmassa en 775 par les Cofrites Miknassa, complétera la série des événements lointains dont le Seuil de Taza devait être l'aboutissement.

Nous avons vu dans l'antiquité une peuplade Makénite sur les pentes Nord de l'Atlas vers le haut Sebou. Il semble qu'il s'agisse des futurs Miknassa et que des tribus, pour une raison indéterminée (refoulement senhadjien probablement) se soient déversées sur les plaines de la Moulouya et vers le Seuil de Taza.

Après avoir appuyé le mouvement de Kocéila, elle aurait poussé jusque vers le bas Chélif ou des fractions voisines aux Matmata, firent partie des Ibadites Rosténides, pendant que le groupe des Midrarites du Cofrites, Tafilalet fondait un royaume indépendant. Enfin bientôt, se créera la principauté des Béni Ahil Afia aux portes de Taza.

  Cette dissociation des Meknassa est extrêmement intéressante. Elle nous montre le manque de cohésion totale de ce groupement qui d'après son aire géographique au 8ème siècle parait avoir été considérable et qui, aujourd'hui, est représenté par une minuscule tribu de 4.000 âmes.

En résumé le 8ème siècle a été une période d'agitation aussi intense que confuse, où Cofrites et Ibadites se relayant sans cesse dans leur lutte contre les gouvernements Orthodoxes laissaient éclater de toutes parts des révoltes qui ne devaient s'arrêter qu'au jour où les califes renonceraient à leur autorité effective sur le Moghreb.

Mais cette période nous intéresse à un tout autre point de vue; les tribus qui se livrèrent à ces luttes acharnées, furent en perpétuel mouvement. Le mouvement qui les entraînait, aboutissait aux flancs de couloir de Taza ce seuil constituait une sorte de hâvre où les débris des tribus épuisées venaient confier leur déclin à la protection de cantons bien arrosés et peu accessibles. Cette période devait donner son armature de puzzle à la carte ethnographique de cette région.

Idrissides, Miknassa, Maghraoua

A- IDRISSIDES

  En 788 nous voyons entrer en scène un personnage capital IDRISSI BEN ABDALLAH. Avec lui le Moghreb Musulman prend un de ses aspects définitifs: l'autonomie complète du Maroc. Cela va sûrement changer, notablement, le rôle du Seuil de Taza. Idriss 1er est devenu un personnage légendaire, un héros mythique du Maroc.

Il est tout à fait curieux de comparer à ce sujet la façon absolument négligente dont en parle un syrien comme IBN EL ATHIR en 1230 et l'importance qu'il prit au Maroc.

Il est à signaler surtout quel tissu de contradictions relève, à son sujet, dans IBN KHALDOUN et EN NACIRI, bien que l'historien récent semble pour une fois un guide plus sûr qu' IBN KHALDOUN, lequel s'est contenté en la matière de recopier, assez servilement, ce document dangereux qu'est le Qirtas. Un point hors de doute, c'est que ce sont les tenants des Aouréba, qui furent les premiers soutiens d'Idriss et qui le proclamèrent Calife.

En Naciri nous dit que les Saddina et les Maghila se rallièrent à lui les premiers. Or, dans les uns il faut voir les Béni-Sadden qui occupent encore le plateau entre Sebou et Innaouen au débouché Ouest du Seuil.

Quant aux Maghila, nous avons supposé qu'ils étaient répandus, quelques années auparavant, sur les contreforts du Moyen Atlas entre le pays Ghiata et Sefrou. Les uns et autres étaient à des emplacements tout à fait normaux pour appuyer le mouvement parti d'Oulili.

La liste que donne IBN KHALDOUN des premiers soutiens d'Idriss: Zenata, Zouagha, Sedrata, Miknassa, Ghiata, Nefzaouia, Ghomara.

Si nous examinons la carte actuelle des tribus nous voyons-là une liste de celles environnant Fès et occupant le couloir de Taza au 14ème siècle. Elle est juste.

Si nous apprenons qu’Idriss a recruté des troupes parmi les Senhadja, Haouara, pour partir à la conquête du Tamesma et du Tadj nous n'avons la qu'un complément de cette liste. Mais vraiment il est difficile d'admettre que toutes les tribus qui ont suivi Ibn Roustem en 761, et sur lesquelles il s'est appuyé pour fonder son empire, aient fui vers le Seuil dès avant 788 alors que Tiaret ne devait être battu qu'en 908.

Certes, on sait qu'Ibn Roustem fut mis en déroute en 766 au Tabn; mais comme Omar Ibn Hafs ne le poursuivit pas, on ne voit guère de raison, pour une fuite, jusqu'au Seuil de Taza.

Il serait d'ailleurs curieux de voir un Alide comme Idriss trouver ses premiers appuis parmi des Ibadites tels que les tribus de Roustem.

D'autre part, nous retrouverons une tradition absolument contradictoire au sujet des Ghiata cette tribu, dont aucun généalogiste parle, se serait formée seulement sous le règne d'Idriss II.

Ce qui parait plus intéressant ce sont les noms des tribus auxquelles Idriss s'attaqua : les Fendlaoua, Bahloula et Médiouna. Médiouna et Bahloula sont de Sefrou. Mais les Fendlaoua semblent être une vieille tribu du Seuil, n'ayant laissé que des souvenirs toponymiques vers le Bou Hellou.

L'indication relative à ces trois tribus est intéressante, car elles sont signalées comme juives et chrétienne. Or les Fendleoua étaient les voisins immédiats du limes de Bou-Hellou; prés de ce point qui avait été quelque peu romanisé. Nous en retrouvons les traces dans les vestiges à l'ancienne ferme Leca, où 147 pierres taillées ont été déterrées en 1949. I l est possible qu'il y ait eu des chrétiens, de même que les Médiouna et les Bahloula, voisins de Sefrou, la citadelle du Judaïsme, pouvaient fort bien être juifs.

  Enfin EL BEKRI (géographe du IIème siècle) parle de l'entrée d'Idriss à Taza en 790. Tout cela s'enchaîne très bien. Idriss s'appuie d'abord sur les Aouréba. Il apprivoise un ensemble de tribus comprises entre le Oulili et le Seuil de Taza. Il soumet un certain nombre de tribus montagnardes d'abord, vers le Seuil. Muni alors de ces troupes solides i l part à la conquête du Maroc, Nous voyons donc que le Seuil de Taza aura été pour Idriss une base de départ. Il est bien symptomatique que la première dynastie marocaine ait eu un point d'appui essentiel en ce lieu.

Avec Idriss II la légende continue, toutefois les indications sont plus précises et semblent avoir plus de valeur. On nous parle d'abord des Matghara et de leur chef Bahloul Ibn Abdel ouhed.

Les Matghara auraient été les alliés de la première heure. Il s'agit sans doute de ceux dont la trace est restée autour de Taza. Le Gouverneur arabe Ibn AGHLEB aurait ensuite gagné leur chef par des présents. Puis Idriss II tue Abou SAD ISHAQ chef des Aouréba.

Ces deux événements permettent de supposer que les chefs des tribus de soutien ont cherché de profiter de la jeunesse d'Idriss II pour se rendre l’indépendant.

Etant Donné que nous trouvons encore une fois, une grande confusion dans les historiens arabes. On peut noter avec tout autant de vraisemblance, une tradition de tribu dans les indications des chroniques.

Or, il est de tradition chez les Ghiata que leur nom primitif était IGHATA (إغاثة), c'est-à-dire "Aide" et qu'ils se constituèrent par le rassemblement de guerriers d'origines diverses venus à l'aide d'Idriss II.

Evidemment Il ne faut admettre semblable tradition qu'avec beaucoup de circonspection, mais on est frappé de constater:

1-      Que "Metghara" est un nom porté actuellement par toute une moitié de ces Ghiatas alors que précisément le chef de Metghara s'était laissé corrompre par Ibn El Aghleb.

2-      Que la confédération des Ghiatas est incontestablement un mélange d'éléments très divers.

3-      Que les montagnes du Sud du Seuil de Taza ont constitué semble-t-il, le réservoir de guerriers des Idrissides.

 

Les Ghiatas sont trop proches de Taza pour que nous n'étudions pas en détail la documentation si incertaine soit-elle, que nous fournit l'histoire des idrissides, d’autant que par la suite nous ne trouverons à peu près rien jusqu'au 19ème siècle.

Or nous avons vu le Qirtas nommer les Ghiata parmi les tribus qui ont reconnu Idriss 1er. Mais à quelques lignes d'intervalle, le Qirtas nous indique qu'Idriss alla s'emparer des citadelles des Ghiatas qui étaient juifs ou chrétiens. Tout cela semble bien contradictoire, pourtant il y a là des éléments intéressants.

Nous avons vu que la liste des tribus alliées d'Idriss 1er ne peut avoir qu'une valeur de localisation géographique.

L'hypothèse de Metghara lâchant leur chef traître à Idriss, correspond assez bien à l'hypothèse que ces mêmes Metghara aient été parmi les soutiens d’Idriss 1er. De plus, cette fusion d'éléments Metghara avec des éléments divers ne peut s'expliquer parmi les peuplades à base tribale, que par une unité d' intérêt et de direction assez prolongée; elle ne pouvait se produire sous Idriss 1er.

  Enfin, il y a un certain nombre de la fraction Ghiata que la tradition considère d'origine juive, (en particulier dans les Béni- tradition déjà vue Bouguittoun). Si nous ajoutons la tradition déjà vue et relative à l’origine  romaine des Beni-Oujjane quoi d'étonnant à ce qu'Idriss ait trouvé sur les pentes du Moyen Atlas des éléments juif et chrétiens qui ne sont dénommés Ghiata que par un simple anachronisme.

La présence de juifs dans ce Seuil est-elle surprenante où les juifs venus au Maroc ont-ils pu s'installer et se livrer à l'apostolat? le long d'une Evidemment voie de pénétration et dans emplacements où puissent aisément se défendre leurs groupements assez frêles le Seuil de Taza était tout indiqué.

Debdou et la région de Sefrou furent dans le même cas. Il semble donc que la tradition locale ne soit pas pourvue de vraisemblance que trahison de dans la Bahloul ait entraîné la création d'une confédération à base de Metgharie ou se soient agrégés en particulier d'anciens éléments juifs et chrétiens (Béni Bouguittoun, Béni Oujjan, Fendlaoua). Ce groupement souple était bien entendu loin de sa forme définitive et perméable à toute sorte d'adjonctions futures.

Quant à sa localisation exacte, il est certain que ses "citadelles", ses montagnes inexpugnables supposaient un habitat reculé dans le Massif du Moyen Atlas. Mais l'installation des Ghiatas dans leur habitat de la vallée est un fait trop récent pour qu'il soit utile d'insister.

A la mort d'Idriss II le partage entre ses fils a encore été un sujet de confusion historique.

Daoud aurait eu Tsoul, Taza, les Haouara les tribus Miknassiennes et les Ghiatas. Il a construit la jolie mosquée d' Ali Ben Daoud, à Taza. A la suite de l'historien de Slane, on a étiré le royaume de Daoud jusqu'à l'Habra, à l'Est d'Oran.

  Enfin on peut justifier la présence des Haouara, mais cela est peu admissible d'autant plus que Souléima avait, pour sa part, la région de Tlemcen. Ce partage est évidemment un tissu d'anachronismes (IBN KHALDOUN n'y parle-t-il pas de Meknès et de Salé ?).

Il est intéressant, malgré tout car il faut y voir Sous les désignations anachroniques de tribus, des indications géographiques. Il marque donc que le Seuil de Taza et ses abords sont considérés dès ce moment comme un ensemble défini.

Vers 875 nous voyons les Ghiata reprenant les traditions Kharéjites des Metghara se joindre aux Médiouna d'Abderrezak pour tenter un mouvement Cofrite. Ali Ben Omar Ben Idriss se réfugie chez tandis les Ouerbas, qu'Abderrezak entre à Fès.

Nous voyons donc le premier prétendant sérieux, à la succession des Idrissides, s'appuyer sur les Ghiata c'est-à-dire sur les montagnards du Seuil. Le mouvement était d'ailleurs bientôt étouffé par un autre Idrisside.

  En résumé, la période Idrisside nous aura montré la première dynastie marocaine s'appuyant sur les tribus du Seuil de Taza. Elle aura donné naissance à la confédération Ghiata fusion par la d'éléments divers provenant d'anciennes tribus émiettées. Ces éléments auront trouvé dans le milieu rude et tonique de la montagne un souffle nouveau.

Ces Ghiatas, d'abord solides appuis de la dynastie naissante se- ront pourtant le soutien du premier prétendant qui cherchera à la supplanter. Combien de fois verrons-nous ces événements se répéter au cours de l'histoire.

La tentative d'Abderrezak n'a pas réussi. Le Seuil de Taza va fournir, néanmoins, peu après, les vainqueurs des Idrissides.

B-MIKNASSA

  Dans la généalogie d'IBN KHALDOUN nous avons signalé le groupe des Béni Oursettif dont l'élément essentiel était constitué par les Miknassa. Nous avons vu que cette tribu aura à l'époque de la conquête arabe débordé sur la vallée de la Moulouya et sur le Seuil de Taza. Ces nomades occupaient un immense territoire.

Les éléments BENI OUASSOUL ayant fondé en 757 SIJILMASSA où depuis cette époque régnait une dynastie Cofrite, tandis qu’une autre principauté avait pris naissance vers le Seuil de Taza.

Ces Miknassa auraient été les fondateurs, de Guercif,. Ils auraient en outre fondé le Ribat de Taza, dénomination par laquelle il faut entendre la citadelle de Taza. Cette citadelle première, dont la tour sarrasine semble être le curieux vestige, a-t-elle été réellement établie à ce moment comme ou plus tard par Ziri Ben Atya, le prétendent certaines traditions tazies? On ne saurait répondre avec quelque semblant certitude et nous aurons l'occasion d'y revenir.

Etant donné l'extension énorme des Miknassa, il parait probable que cette dénomination désigne un ensemble nombreux de tribus englobées sous le nom générique de la tribu dirigeante.

D'ailleurs, IBN KHALDOUN nous signale le mélange de ces Miknassa au  groupe des Oursettif entre autre, les bni Ourtnaj, les Béni Foughal, les Btalsa et les Béni Izliten.

Or, de nos jours,  il est assez curieux de constater que tous ces éléments sont encore voisins : les Metalsa se trouvent au Nord-Est des à Meknassa, les Béni Ourtnaj constituent l'élément essentiel des Tsoul l'Ouest, le petit groupe réduit, mais si vivace, des Béni Foughal est à la limite Nord des Béni Ourtnaj et au Sud les Béni Zliten sont au contact des Tsoul, bien qu'englobés dans les Ghiata.

Les seules légères coupures qui existent proviennent de tribus arabes (Ouled Bekkar) ou Zénètes (Béni Lent), d' origine plus récente.

Ville de Tsoul et Tribu des Tsouls

  Des Tsouls eux-mêmes il n'est pas question dans l'histoire. Au contraire, il est parlé abondamment de la ville de Tsoul aujourd'hui disparue. Et alors tout s'explique :

Lorsque les dynasties Miknassiennes ont perdu leur puissance, la confédération s'est effritée. C'est ainsi que les Béni Zliten de la branche vassale des Augma s'incorporèrent à ce groupement informe qu'était les Ghiatas.

Les Metalsa s'isolèrent dans la coulée d'Aïn Zora. Les Béni Outnaj constituaient la base d'un groupement similaire à celui des Ghiata et qui n'ayant pas d nom générique d'ensemble, a pris tout simplement pour titre le nom de l'ancienne ville, autour de laquelle ils demeuraient.

Cette confédération est considérée comme formée de trois groupes essentiels :

-          les Béni Ourtnaj précités

-          Les Béni Lent, éléments plus récents, dont nous reparlerons.

-        Les Béni Fendghil, ensemble imprécis dans lequel on retrouve des ilots Metghara et Metalsa et ce qui est plus intéressant, une fraction Béni Mejdoul dont l'ancêtre éponyme est aussi l'ancêtre légendaire des Béni Abil Afia. Ce Mejdoul aurait été précisément seigneur de Tsoul.

  On n'a aucune certitude au sujet de cette Ville, mais les légendes abondent. La tradition orale affirme que c'est à l'emplacement dénommé Souma Mekherja, près de l'Oued Amelil, que se trouvait la ville "Tsoul" et justement nous nous trouvons là au coeur des Béni Mejdoul. Cette ville a laissé des traces confuses d'un rempart sur un très vaste périmètre. Les fouilles faites ont permis de retrouver une canalisation souterraine de construction soignée et se prolongeant sur deux kilomètres. Ce secteur mériterait d'être fouillé pour édifier l'histoire locale.

Néanmoins, un certain nombre de détails sont intéressants. Tout d'abord la légende parle d'un Tachefin, prince puissant, qui serait notablement antérieur aux Beni Abil Afia et qui aurait été le Chef d'une Tsoul fleurissante. Cette ville aurait été détruite par des inondations. Puis une nouvelle ville se serait reconstruite dont Ibn Ibil Afia, en particulier, aurait été le maître. Un autre détail est fort curieux : quatre lieux-dits existent sur le pourtour de cette ville légendaire don le nom commence par Bab. Or, l'un d'eux porte le nom soit Porte de l'église.

  Enfin, El Békri écrit au IIème siècle que cette ville est détruite et que le lieu où elle se trouvait a pris le nom d'Ain Ishak. Cet ensemble de faits et de légendes semble prouver l'existence d'un centre à la fois ancien et important. Ce centre, moins de l'époque peut-on supposer, daterait au préislamique et dans ces conditions on peut se demander si Tsoul, étant au débouché du vallon descendant d'Ain Ishaq où il y aurait eu autrefois des éléments romanisés et par conséquent susceptibles Christianisation, ne se seraient pas établis Tsoul que les Miknassa seraient ensuite venus occuper.

Il est à signaler d'ailleurs que cette Souma Kherja se trouve non sur le Triq El Maghzen, mais sur le route actuelle des Tsoul.

Ce qui prouve, une fois de plus, combien ce passage du Seuil de Taza comporte d'imprécisions puisque souvent les époques, trois voies différentes, ont été empruntées (Le Triq El Maghzen est absolument délaissé aujourd'hui).

Avènement des Beni Abil Afia et règne de Moussa

  Pour en revenir à la période Miknassienne, nous savons que Messala Ben et du Xème siècle était seigneur de Tsoul Meknassa étaient à ce moment-là en plein essor. Après avoir été de simples nomades comme le prouve bien les termes d'Ibn Khaldoun, ils étaient devenus des conquérants.

Après la fondation de Guercif et la construction du Ribat de Taza faits qui seraient assez anciens, ils seraient venus s'établir récemment à Tsoul.

Messala qui semble avoir été un habile homme de guerre étendit sa domination sur les diverses peuplades berbères entre Taza et Lokai, cité du Rif qu'il est impossible de localiser (faut-il la voir dans les ruines de Gouzat où les romains ont laissé des vestiges ?).

Il attaqua également les Idrissides s'emparant de nombreuses plaines. Puis se retournant vers l'Est-il alla aider Obéid Allah le Fatimide à écraser les Méghraoua et à leur prendre Tiaret.

Obeid Allah que l'occident intérressait peu, confia alors le gouvernement de Tiaret, à ce Messala. Messala devenu un grand personnage confia le commandement de sa tribu à Moussa Ben Abdoul Afia qui détruisit la dynastie Béni Saleh de Nokour et installa à sa place un de ses Officiers. Souveraineté éphémère d'ailleurs.

Soumettre les contreforts du Rif et le coeur même de ce massif étaient choses fort différentes. Malgré une campagne de plusieurs mois la soumission n'était que provisoire. Une fois parti, Méssala n'eut plus de moyens d'actions suffisants.

  En 920 Messala appuyé par les troupes Kétamiennes partit en expédition afin de soumettre l'Idrisside de Fès Yahia Ben Idriss III.

Yahia leva des troupes, en particulier ses fidèles Aourébas et marcha à sa rencontre. Écrasé vers Miknassa il se réfugia à Fès et finalement dû reconnaître le califat Fatimide. Mais la province de Fès lui fut laissée. Sa qualité de membre de la famille du Prophète l'avait préservé du sort habituel des Vaincus. Moussa Ben Aboul Afia reçu le gouvernement du reste de ses provinces.

L'année suivante Messala étant revenu faire campagne au Maroc, Moussa que gênait le prestige de Yahia, obtint l'expulsion de ce dernier qui fut relégué à Arzila sur la côte de l'océan. Bientôt, d'ailleurs, Moussa incarcérait à Lakai, Yahia qui avait tenté de fuir le Maroc où il avait un adversaire si vindicatif. On peut remarquer que Messala ne s'était jamais résolu à enlever tout fief à Yahia, et encore moins à le faire disparaître. Moussa lui-même que la tradition locale et l'histoire représentent comme un affreux bandit, se contenta de l'enfermer. Ceci prouve le prestige des Idrissides et quel respect entourait, dès cette époque, la descendance du Prophète au Maroc.

Ceci contraste étrangement avec les multiples massacres qui sanglantèrent l'histoire des Alides d'Orient. Le mouvement Chérifien du XVIème siècle était déjà en germe au 10ème.

Mais Messala n'avait pas donné Fès à Moussa. Il avait confié la ville à un Kétamien Rihan et s'était éloigné. Etant devenu avant tout le gouverneur du Maghreb Fatimide, il craignait de donner trop de puissance à son cousin Moussa qui tenait la clé du Maroc : le Seuil de Taza.

Cette conquête du Maroc par Messala après avoir revêtu au début la forme d'une simple extension de tribu dans le seuil de Taza avait pris le caractère d'une conquête fatimide. Mais son point d'appui essentiel était constitué par l'Emirat des Miknassa, base de l'édifice.

En 925 1'Idrisside Hassan El hajjam renverse rihan et les Maghraoua, s'étalant jusqu'à la Moulouya coupant la communication entre les Miknassa d'Aboul Afia et Tiaret. Malgré ces menaces, Moussa maintient la domination Fatimide. Certes il est battu à l'oued El Metahen entre Fès et Taza (probablement l'oued Zireg qui traverse les collines Metahen), et Hassan soumet le débouché Ouest du Seuil allant même jusqu'à Miknassa de Taza où il faut probablement voir l'actuelle Miknassa Tahtania. Mais bientôt, Hassan trahi est assailli dans Fès. Il se tue en fuyant et Moussa, vainqueur, nomme son fils gouverneur de la ville.

En 927 Aboul Kacem fils de Mehdi confirme Moussa dans son comandement.

En 931 Moussa. après avoir réduit Nokour se tourne vers Tlemcen qu'il enlève à une autre branche Idrisside. Les Miknasssa étaient à leur apogée, du seuil de Taza. Ils avaient soumis le pays depuis l'océan jusqu'au delà de Tlemcen. Vers cette époque un groupe de Miknassa se serait installé l'emplacement de l'ancienne Sidda. Ce groupement serait à l'origine du nos de la ville de Meknès, dénommée par les historiens Miknassa Ez Zitoun, pour la distinguer de Miknassa de Taza.

Cette dualité devait d'ailleurs être le source de multiples confusions historiques.

Mais il est à remarquer combien la soumission du Rif et de Tlemcen était précaire. En l'espace de vingt ans les Miknassiens prirent trois fois Nokour et chaque fois les Béni Saleh reprirent leur indépendance.

De même Tlemcen ne devait pas rester Miknassien. Le seuil de Taza était une porte de commandement facile vis à vis de Fes et du Rharb ou vis à vis de la Moulouya, mais non à l'égard de l'Oranie et des montagnes du Rif.

Moussa sentant combien les Fatimides étaient loin (Aboul Kassem s'était contenté de le confirmer dans ses pouvoirs (sans même venir au Maroc) voyant d'autre part les Omeiades d'Espagne s'établir à Ceuta, chargea le Suzerain et reconnu Naceur.

Le Mehdi envoya alors Hamid Ben Isliten, le neveu de Messala contre lui; Hamid écrasa les troupes de Moussa dans la plaine de M'Soun ou Moussa avait tenté de lui barrer l'entrée du Seuil (933). Moussa s'enferma dans Tsoul, laissant la voie libre à Hamid qui alla prendre Fès.

Il est remarquable de constater que Moussa n'avait pas essayé de tenir le Ribat de Taza et d'y couper la route de Fès à l'envahisseur, il s'était contenté de laisser passer l'orage.

Nous aurons fréquemment l'occasion de constater le fait. Il n'y a pour ainsi dire jamais eu de siège de Taza. Ce qui prouve que malgré sa valeur de citadelle, Taza ne constituait pas un verrou effectif pour le Seuil.

D'ailleurs, bien en prit à Moussa, qui dès le départ des Fatimides, récupéra son royaume. Ainsi en 935 le calife fatimide renvoya une nouvelle armée commandée par Meïçour. Renouvelant sa tactique Moussa s'enferma Lokai, sans même combattre, tandis que Fès se défendait vigoureusement. Après une demi victoire, Meiçour marcha sur Moussa. Vaincu, ce dernier s'enfuit chez ses frères Miknassa de la haute Moulouya.

Une fois Meiçour parti, Moussa réapparait, recouvre ses états, réoccupe Nokour et Tlemcen. Moussa mourait en 939, tandis que son fils atteignait Fès, la ville dont l'histoire est faite de sièges

Innombrables.

Le règne de Moussa Ben Ali El Afia, caractérise bien le genre de domination qui régna au 1er siècle de l'Islam dans Moghreb. Un Chef énergique prenait son appui sur une tribu établie en un point favorable, les rives du Seuil de Taza, par exemple, Delà il s'élançait sur les plaines environnantes, renversait les dynasties existantes, razziait les villes et se maintenait au pouvoir par un régime de force.

A peine leur chef était-il éloigné, les populations reprenaient leur liberté. Quelque ennemi puissant venait-il le combattre, il s'enfuyait au sein de sa Tribu d'appui.

Dans ces conditions, il n'y a rien d'étonnant à ce que cette période ait été une des plus importante dans l'histoire du Seuil de Taza. Les contrées si difficiles qui le bordent (Djebel Ghiata, pays Tsoul, pays Branès) étaient autant de repères merveilleusement placés à deux pas des riches plaines du Saïs.

Après Moussa, la dynastie va perdre tout son éclat. Certes, elle durera jusqu'à la conquête des Almoravides, mais elle se contentera d'être la vassale des Omeiades et ensuite des Zirides.